Ahmed Bacar: « Notre objectif est que chaque formation soit un tremplin vers l’emploi ou l’entrepreneuriat »

A quelques jours de la rentrée universitaire en Union des Comores, le directeur général de l’Institut Universitaire de Technologie des Comores (IUT), Ahmed Bacar, a répondu aux questions de Domba Direct. Il nous livre la vision de l’institution qu’il dirige depuis plus de 10 ans et exprime sa volonté de la transformer en véritable levier économique pour le pays.  

La rentrée approche : à quoi doivent s’attendre les étudiants de l’IUT cette année ? Quelles nouveautés concrètes les attendent ?

Cette rentrée s’annonce sous le signe de la consolidation, de l’innovation et de l’adaptation aux besoins. Plusieurs nouveautés attendent nos étudiants : mise en place de nouvelles maquettes pédagogiques, plus professionnalisantes et alignées sur les standards internationaux ; intégration de thèmes transversaux (culture de la paix, environnement, numérique et genre) ; renforcement des outils numériques avec des plateformes d’e-learning et des espaces de travail collaboratif pour faciliter l’enseignement hybride ; création de nouveaux partenariats avec des entreprises afin de renforcer l’apprentissage en milieu professionnel ; modernisation des infrastructures, notamment des laboratoires et des équipements informatiques, rendue possible grâce au soutien de nos partenaires ; enfin, utilisation d’écrans interactifs et de classes mobiles via des tablettes. Nous voulons que chaque étudiant évolue dans un environnement stimulant, adapté aux défis d’aujourd’hui et de demain.

Vous dirigez l’institut depuis plus de dix ans. Si vous deviez dresser un bilan, quelles sont vos plus grandes réussites… et vos principales frustrations ?

En dix ans, notre plus grande réussite a été de transformer l’IUT en acteur central de la formation technique et technologique aux Comores. Nous avons réussi la révision et l’ouverture de nouvelles filières, l’amélioration de la qualité pédagogique et de l’encadrement, la modernisation des infrastructures et des cadres de vie, l’ouverture à l’international grâce à plusieurs partenariats, ainsi que le renforcement de notre ancrage local en adaptant nos formations aux réalités comoriennes. De nombreux diplômés sont aujourd’hui intégrés dans des secteurs clés du pays. Mais des frustrations demeurent : les difficultés structurelles, le manque récurrent de moyens matériels et l’inadéquation entre la rapidité des réformes que nous souhaitons et les capacités de mise en œuvre. Le chemin reste long, notamment en matière d’autonomie de gestion et de digitalisation complète.

On reproche parfois aux formations universitaires de ne pas coller aux réalités du marché. Comment l’IUT garantit-il que ses filières restent en phase avec les besoins du pays ?

Nous avons adopté une démarche d’alignement constant avec le marché de l’emploi. Des forums réunissant enseignants, anciens diplômés et professionnels sont régulièrement organisés pour identifier les besoins réels. Nos formations ne sont pas figées. Nous menons également une veille active sur les besoins socio-économiques du pays, grâce à des enquêtes régulières. Nous avons l’appui des projets comme PROFI et MSOMO NAHAZI pour évaluer l’adéquation formation/emploi et soutenir l’innovation pédagogique.
Des stages obligatoires et des projets de terrain permettent aux étudiants de se confronter aux réalités locales. Notre objectif est que chaque formation soit un tremplin vers l’emploi ou l’entrepreneuriat, en ciblant des secteurs porteurs.

Les étudiants et leurs familles se posent une question clé : après l’IUT, trouvent-ils vraiment du travail ? Que disent vos chiffres sur l’insertion professionnelle ?

Nos enquêtes récentes montrent que près de 60 % de nos diplômés trouvent un emploi dans les 12 à 18 mois suivant l’obtention de leur diplôme. Ce chiffre varie selon les filières : certaines, comme l’informatique, le génie civil ou la gestion, affichent des taux encore plus élevés.
L’employabilité reste une priorité. Nous développons un concept : 33 % de nos jeunes vers l’insertion dans les structures existantes, 33 % vers la création de startups et 33 % vers la poursuite d’études. Notre défi est de créer l’écosystème permettant d’atteindre cet objectif.
Par ailleurs, nous travaillons à la mise en place d’un observatoire de l’insertion professionnelle afin de mieux suivre les parcours de nos anciens étudiants et d’ajuster nos formations.

Les partenariats sont souvent décisifs pour l’avenir des diplômés. Quels liens avez-vous tissés avec les entreprises locales ou internationales ?

Nous avons renforcé ces dernières années nos liens avec le tissu économique local : plus de 100 conventions de stage sont signées chaque année avec des entreprises publiques et privées, ainsi qu’une dizaine de conventions de partenariat avec des instituts, centres de formation et universités. Les projets MSOMO NAHAZI et PROFI nous soutiennent dans le développement de dispositifs d’accompagnement à l’entrepreneuriat, à l’orientation et à l’insertion. Nous discutons également avec plusieurs partenaires internationaux pour des mobilités étudiantes et des doubles diplômes. Notre approche est claire : former avec et pour les entreprises.

Le numérique transforme l’enseignement partout dans le monde. Comment l’IUT s’adapte-t-il à cette révolution ?

Le numérique est au cœur de notre stratégie. Nous avons engagé une digitalisation progressive de nos processus. Une plateforme de gestion académique et pédagogique est déployée. L’IUT forme ses enseignants aux pédagogies numériques, met à disposition des outils de cours en ligne, de visioconférence et de forums pédagogiques. L’intelligence artificielle est intégrée dans la transmission du savoir. Une console d’administration de l’Espace Numérique de Travail (ENT) est opérationnelle, permettant de gérer utilisateurs, ressources et services. L’IUT se transforme peu à peu en campus numérique, tout en veillant à réduire la fracture digitale pour les étudiants.

Si on se projette dans dix ans : à quoi ressemblera l’IUT des Comores ? Quels grands chantiers souhaitez-vous voir aboutir ?

Dans dix ans, je souhaite voir un IUT pleinement autonome, performant et connecté à son environnement, capable de proposer des formations jusqu’au niveau licence professionnelle et master technologique et industriel, de développer des formations en alternance et des formations continues pour les professionnels, et d’obtenir l’accréditation internationale pour certaines filières. Je souhaite voir l’IUT devenir un centre de référence régional en innovation, entrepreneuriat et recherche appliquée, avec un campus moderne doté d’infrastructures conformes aux standards internationaux : espaces collaboratifs innovants (FABLAB, incubateur, coworking), hubs technologiques à la pointe. Pour cela, nous devrons nous appuyer sur un solide réseau d’anciens étudiants et de partenaires.

Et dans ces perspectives, quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’État ?

L’État joue un rôle fondamental. Nous attendons d’abord un soutien financier accru, notamment pour les infrastructures, les équipements et la formation continue des enseignants. Ensuite, une gouvernance plus agile, donnant à l’IUT une autonomie renforcée dans la gestion de ses ressources. Enfin, un accompagnement pour institutionnaliser les partenariats public-privé, sans lesquels l’IUT ne pourra pas jouer pleinement son rôle de levier économique.
Il est essentiel que l’État considère l’IUT comme un investissement stratégique pour l’avenir des Comores. Il doit nous aider à développer un modèle économique résilient. Nous croyons fermement que le développement du capital humain est un gage de l’émergence du pays.

Enfin, quel message voulez-vous adresser aux nouveaux étudiants qui franchiront les portes de l’institut dans quelques jours ?

Je leur dis : bienvenue dans une institution qui croit en votre potentiel. L’IUT n’est pas seulement un lieu de formation, c’est un espace de transformation. Ici, nous vous offrons les outils, les compétences et l’accompagnement nécessaires pour devenir des acteurs du développement des Comores. Soyez curieux, engagés et ambitieux. Travaillez avec rigueur, développez votre esprit critique et surtout, croyez en vous. Le pays a besoin de jeunes comme vous. Notre devise est : « avancer et construire ensemble ».

Propos recueillis par Ali MMADI

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